5 étapes pour établir une culture du développement durable solide

culture organisationnelle

Une culture du développement durable solide est une condition sine qua non du changement.

Cet article est le second d’une série en deux volets explorant le rôle de la culture organisationnelle dans la réussite ou l’échec d’une entreprise à concrétiser ses ambitions en matière de durabilité. Lire le premier volet.

En bref :

  • En se dotant d’une solide culture du développement durable solide, les entreprises créent un environnement propice à la transformation durable de leurs activités et se donnent ainsi les moyens de concrétiser leurs engagements en matière de développement durabilité.
  • Nombreuses sont les organisations qui centrent leur attention sur la collecte et l’analyse de données et négligent la culture organisationnelle comme vecteur efficace de changement.
  • Faire évoluer la culture d’une entreprise n’est pas chose aisée. Les entreprises se montrent souvent réticentes au changement et lentes à s’y adapter, et l’on constate un manque d’orientations quant aux moyens de forger une culture du développement durable solide.
  • Pour placer la durabilité au centre de leur culture d’entreprise, les organisations doivent se pencher sur cinq éléments clés : la stratégie, la structure, les processus, les humains et les bénéfices.
  • Les directions d’entreprise devront se doter d’une nouvelle vision pour l’avenir, dresser un bilan honnête de leur situation actuelle, consolider leurs compétences en interne, surmonter les obstacles et récompenser et encourager les comportements adéquats.

L’intégration de la durabilité dans la culture organisationnelle est une condition sine qua non de la transformation, mais son potentiel comme catalyseur du changement est souvent négligé. 

Bien que les deux soient d’importance égale, la culture ne bénéficie pas du même rayonnement que les données, lesquelles sont étroitement liées aux notions d’innovation et de progrès. Des réalités tangibles. En tant qu’êtres humains, nous nous intéressons de façon innée à ce qui est factuel et concret. C’est probablement la raison pour laquelle un grand nombre d’entreprises consacrent un temps et des ressources considérables à combler les lacunes en matière de données, alors même qu’elles disposent de suffisamment d’informations pour définir avec précision leur stratégie d’avenir. La culture, quant à elle, relève de l’immatériel, avec les croyances, les comportements et les valeurs. 

Améliorer la culture d’une entreprise est particulièrement délicat. Les organisations se montrent souvent réticentes au changement et lentes à s’y adapter. Pour beaucoup, leur culture d’entreprise ne permet pas, fondamentalement, d’instaurer une solide culture de la durabilité. Ces difficultés sont aggravées par l’absence d’un cadre de référence ou d’orientations claires destinées à créer de solides cultures de la durabilité susceptibles d’accompagner (et de renforcer) les modèles commerciaux axés sur sur le développement durable. Après tout, la notion de culture du développement durable est encore relativement nouvelle.

Le modèle de la démarche d’innovation [Figure 1], conçu par le Dr. Jay Galbraith, l’un des experts de l’ingénierie organisationnelle les plus réputés au monde, aujourd’hui décédé, pourrait toutefois représenter une solution.

Le modèle de l’étoile de Galbraith
Figure 1

Le modèle de la démarche d’innovation : un cadre de référence pour l’ingénierie organisationnelle au service de la durabilité

Le modèle de la démarche d’innovation de Galbraith énonce les cinq éléments considérés comme essentiels à l’évolution de la culture d’une organisation : la stratégie, la structure, les processus, les humains et les bénéfices. De récentes études laissent penser que ce cadre de référence peut être utilisé pour soutenir les entreprises dans l’intégration de la durabilité au sein de leur culture organisationnelle, en particulier s’il est étendu aux facteurs externes (Les différents acteurs extérieurs à l’entreprise qui ont un effet sur la valeur économique, sociale et environnementale que celle-ci crée pour la société et la planète) [Figure 2].

Le cadre de référence pour l’instauration d’une culture de la durabilité
Figure 2

La stratégie : définir la marche à suivre et les modalités de mise en œuvre

Votre stratégie détermine votre modèle économique et votre cap, en précisant ce que vous voulez réaliser (finalités, et cibles) et comment vous voulez y parvenir (valeurs, orientation et mission). Naturellement, pour déterminer comment atteindre vos finalités, il vous faudra d’abord procéder à un bilan honnête de votre situation actuelle. 

La stratégie est au cœur du modèle de la démarche d’innovation, car il permet d’établir des critères utiles à la recherche de compromis et à la sélection de différentes solutions possibles parmi les autres éléments de l’ingénierie organisationnelle. Pour forger une culture du développement durable solide, celle-ci doit constituer un élément essentiel de votre stratégie, et non se cantonner au second plan.

La structure : caractériser le pouvoir et l’influence

Votre structure caractérise la place des décideurs dans la hiérarchie de votre organisation ainsi que les responsabilités des uns et des autres en ce qui concerne les activités et les finalités. 

Afin de s’assurer que les différents acteurs d’une organisation tiennent compte des questions de durabilité, il est important que l’ensemble de l’entreprise, et en particulier les membres de l’équipe dirigeante, s’investissent dans leur promotion. Les rôles et responsabilités de chaque service et de chaque poste doivent être clairement définis et parfaitement compris. Chaque membre de l’équipe doit pouvoir répondre à la question suivante : « Comment est-ce que je peux contribuer à nos finalités et à notre vision en matière de durabilité ? » 

Nouer des relations interprofessionnelles et constituer des réseaux de création de valeur est également indispensable à toute organisation axée sur la durabilité.

Les processus : les modalités de partage et de communication de l’information

Si la structure est l’anatomie d’une organisation, les processus en sont la physiologie. Ils renvoient au fonctionnement opérationnel, tel qu’au processus de collecte des données nécessaires à l’analyse de la durabilité, ou à l’affectation de fonds à des projets d’efficacité énergétique ou à des programmes d’engagement des fournisseurs. 

En l’absence de bons processus, il est difficile pour les collaborateurs d’accéder aux informations dont ils ont besoin pour prendre la bonne décision, telle que la mise en lumière des gaspillages ou la mise en place d’une utilisation circulaire des ressources. Un processus itératif qui définit les moyens d’améliorer en permanence les performances en matière de durabilité est essentiel à la transformation de l’entreprise.

Les bénéfices : encourager la répétition du comportement souhaité

Récompenser les employés pour leur comportement et leurs actions peut faciliter l’alignement des objectifs individuels sur ceux de l’entreprise. Les collaborateurs doivent apprendre à penser et à prendre des décisions différemment, en intégrant la durabilité dans leurs tâches quotidiennes. Au niveau de l’équipe dirigeante, le versement de primes liées à des indicateurs clés de performance en matière de durabilité peut avoir un effet positif.

Ailleurs, les collaborateurs doivent avoir le sentiment de contribuer d’une manière ou d’une autre à la cause dans son ensemble. Comme le souligne Tom Bateman, professeur de gestion à la McIntire School of Commerce de l’Université de Virginie, « [les humains] ont besoin de connaissances, d’informations, de compétences et de pouvoir pour faire les bons choix » [traduction libre].

Les humains : les bonnes personnes se comportent de la bonne manière

Ne sous-estimez jamais le pouvoir des ressources humaines dans la conduite du changement au sein d’une entreprise. Si vous disposez dans votre organisation de collaborateurs qui comprennent réellement votre raison d’être, vos valeurs et votre mission (et qui souhaitent y contribuer de manière significative), vous pouvez alors accroître vos performances en matière de durabilité. Il est possible d’atteindre cet objectif en procédant à un recrutement avisé ou en proposant aux salariés des dispositifs d’intégration, des formations, des ateliers et des activités d’engagement appropriés afin de s’assurer qu’ils disposent des compétences et des connaissances adéquates pour devenir des acteurs efficaces du changement.

En revanche, il ne s’agit pas seulement de disposer d’un personnel compétent en interne. Toutes les parties prenantes, des fournisseurs aux distributeurs en passant par les investisseurs et les ONG, doivent adhérer à votre stratégie.

5 étapes pour établir une culture du développement durable solide

Bien que la plupart des chefs d’entreprise reconnaissent l’importance de la durabilité pour l’avenir de leur entreprise, nombre d’entre eux peinent à l’intégrer dans leurs activités quotidiennes.

Le modèle de la démarche d’innovation permet certes de mettre en évidence les éléments clés d’un changement de culture organisationnelle, mais il ne fournit pas de guide pratique pour ancrer véritablement la transformation durable dans la stratégie, la structure ou les processus (entre autres) de votre entreprise.

Pour démocratiser le processus, nous décrivons les cinq étapes clés que nous entreprenons avec nos clients en vue de les aider à façonner des cultures capables de conduire à une transformation durable.

Étape 1 : se doter d’une nouvelle vision pour l’avenir.

Sans objectif en tête, il est impossible de bâtir une stratégie claire. C’est ici que la vision entre en jeu. 

Toutefois, la vision actuelle de votre entreprise ne suffira pas à produire les résultats escomptés. En effet, celle-ci a été conçue pour répondre à différentes aspirations. De nouvelles ambitions appellent une nouvelle vision. Il faut donc se remettre au travail.   

La première chose à faire est de définir et d’élaborer cette nouvelle vision. Il vous faudra réunir tous les collaborateurs pertinents autour de la table, et si vous ne savez pas qui ils sont, vous devrez le découvrir. Procédez à un « examen de conscience organisationnel » pour répondre à ces questions clés :

  • Qui sommes-nous en tant qu’organisation ? Quelle est notre raison d’être ?
  • Quels est notre état d’esprit et notre comportement ?
  • Comment les collaborateurs nous décriraient-ils en tant que groupe ?
  • Cela correspond-il à ce que nous souhaitons être ? À titre personnel, cela correspond-il à ce que je souhaite moi aussi ? 
  • Si l’on envisage l’entreprise au sein de laquelle nous travaillons, à quoi voulons-nous qu’elle ressemble dans 2, 5 ou même 10 ans ? 
  • Comment aimerions-nous être décrits à l’avenir ? En quoi cela est-il différent de ce que nous sommes aujourd’hui ?
  • Pourquoi devons-nous changer ? Que se passera-t-il si nous ne changeons pas ? 
  • Quels sont les fondements de cette vision ? 
  • Bénéficions-nous d’un soutien total de la part de la direction pour atteindre cette vision ?

Étape 2 : établir un niveau de référence culturel.

Déterminez comment la durabilité est actuellement « vécue » au sein de votre organisation. Procédez à une évaluation de la perception de la position de l’organisation en matière de durabilité auprès de vos collègues et des acteurs de votre secteur d’activité. Faites-vous une idée de l’importance que revêt la durabilité dans la réussite de l’organisation. Ceci est essentiel pour les collaborateurs qui n’exercent pas de fonctions liées au développement durable. Ont-ils le sentiment de contribuer aux finalités de l’organisation en matière de durabilité ? 

Surtout, soyez réaliste. Méfiez-vous de l’écart entre la description officielle de la culture et la réalité. Accordez également une attention particulière à la « culture de fond », par opposition à la « culture de surface ». Le diable se cache dans les détails de « la façon dont nous faisons les choses ici ». 

En vous faisant une idée de l’état d’esprit de votre organisation, vous serez mieux à même d’évaluer le potentiel d’adhésion, de participation et de mobilisation dont vous avez besoin pour réaliser votre vision. 

Étape 3 : mettre au point un plan d’action.

Après avoir défini votre vision et effectué le diagnostic nécessaire, il est temps de bâtir un parcours réaliste qui tienne compte de ces facteurs culturels. 

  • Qui doit participer le plus au programme ?
  • Quelles sont les actions à mettre en œuvre ?
  • Quand chaque activité aura-t-elle lieu ?
  • Comment y parviendrez-vous ? 
  • Pourquoi est-ce important ? 

Renforcez les compétences et aménagez des créneaux de travail pour réfléchir à la transformation durable et l’intégrer aux différents postes et aux différentes missions de la majorité, voire de l’ensemble de votre personnel.

Il est important de se montrer inclusif et de contribuer à créer des opportunités pour que chaque membre de l’organisation puisse jouer un rôle dans l’atteinte de ses buts. Lorsque tous les acteurs sont associés à une même initiative, celle-ci devient un point de ralliement qui suscite l’enthousiasme nécessaire à l’obtention de résultats positifs. 

La question du pourquoi est au cœur de cet enthousiasme. Évitez les clichés habituels et exposez franchement la réalité de votre organisation. Par exemple :

« L’année dernière, l’empreinte carbone de l’entreprise XYZ était de X. Nous devons la réduire à Y, non seulement pour le bien de la planète, mais aussi pour montrer de réels progrès à nos clients. Si nous atteignons cet objectif, cela renforcera la confiance des consommateurs et contribuera à l’essor de notre marque. »

Lorsque tous les acteurs sont associés à une même initiative, celle-ci devient un point de ralliement qui suscite l’enthousiasme nécessaire à l’obtention de résultats positifs.

Étape 4 : surmonter les obstacles et former des champions.

Évaluez la sensibilisation, les connaissances et les compétences de votre personnel afin de déterminer les lacunes susceptibles de constituer des obstacles à leur adhésion aux objectifs et aux finalités en matière de durabilité. Déterminez la capacité de votre organisation à concevoir et à mettre en œuvre des mesures de gouvernance pour atteindre vos finalités en matière de durabilité. 

Vos collaborateurs ne peuvent atteindre ce qu’ils ne comprennent pas. 

En outre, posez les questions difficiles : qu’est-ce qui, au sein de notre organisation, risque d’entraver notre action ? Les réponses peuvent porter sur un certain nombre de facteurs : ressources, temps, sensibilisation, connaissances, adhésion de l’équipe dirigeante, objectifs peu clairs ou buts obscurs. En cas de doute, interrogez-vous sur ce qui a fait échouer d’autres initiatives de l’organisation par le passé. 

Enfin, sachant que ce sont les collaborateurs qui provoquent le changement, déterminez qui sont les gardiens de l’organisation, c’est-à-dire les personnes clés dont vous aurez besoin pour vous aider à défendre et à promouvoir vos efforts à tous les niveaux. Le plaidoyer est un ingrédient puissant de la recette du succès. La direction, en particulier, a un rôle important à jouer. Lorsque les équipes dirigeantes considèrent la transformation durable comme une priorité et qu’elles font des choix pour concilier activité économique et environnement, elles adressent au reste de l’organisation un message fort quant à leurs valeurs.

Étape 5 : encourager le renforcement positif et les moments propices à l’apprentissage.

La conduite du changement au sein d’une organisation repose sur la participation des collaborateurs qui en assurent le fonctionnement, mais chacun d’entre eux assume également d’autres responsabilités au quotidien. Il est important d’être réaliste : sans incitation, rien ne garantit qu’ils feront un effort supplémentaire. 

Cependant, il n’est pas nécessaire que les incitations soient de nature pécuniaire, ni même qu’il s’agisse de récompenses tangibles. Un manque d’encouragement et de reconnaissance transmet implicitement le message que la réalisation de vos finalités en matière de durabilité n’est pas une priorité réelle au même titre que les autres activités de l’entreprise. Il est aisé de se concentrer sur les objectifs commerciaux « classiques » de l’entreprise, mais les bienfaits de votre programme de durabilité pour l’organisation doivent être ouvertement communiqués et discutés. En outre, les résultats qui contribuent à la réalisation de cet idéal ne doivent pas passer inaperçus ou être moins bien récompensés

Les comportements contraires aux objectifs poursuivis constituent un autre point important à prendre en considération. Par exemple, décider d’un déplacement en avion plutôt qu’en train pour un trajet de courte distance. Saisissez l’occasion d’un « moment propice à l’apprentissage » pour expliquer comment cette décision s’inscrit dans le contexte général. Vous démontrerez ainsi votre détermination. 

Pour résumer, si votre programme de transformation durable est perçu comme une activité accessoire, il est peu probable qu’il atteigne son plein potentiel.

Bien que ces éléments semblent relever du bon sens, il est préférable de faire preuve de discernement et de ne pas laisser les choses au hasard. Votre culture peut être un moteur puissant, mais le fait de savoir si vous nagez ou non à contre-courant dépend d’une réflexion stratégique. Les cultures ne changent pas du jour au lendemain, et il n’est pas simple de surcroît de les faire évoluer. Il y aura toujours des surprises, mais pour citer Shakespeare, « Par-dessus tout, soyez fidèle à vous-même » [traduction libre]. 

Si vous connaissez votre culture, vous saurez comment en tirer parti pour atteindre votre finalité. Et au bout du compte, il se pourrait qu’elle en sorte renforcée.

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