La lutte contre l'impact environnemental de l'industrie textile vient de franchir une étape majeure en France
La lutte contre l’impact environnemental de l’industrie textile vient de franchir une étape majeure en France avec l’adoption, à l’unanimité, de la proposition de loi visant à réduire l’ultra- fast-fashion.
Comment est définie l’ultra-fast-fashion ? Il s’agit d’un modèle économique visant la mise sur le marché d’un très grand nombre de nouvelles références (plus de 1000 par jour selon cette proposition de loi), ainsi qu’un renouvellement quasi‑permanent des collections. L’étendue de la gamme proposée permettant d’attirer une diversité de consommateurs et de réaliser de vastes économies d’échelle, ceci en pratiquant des prix toujours plus bas. Cette approche s’appuie sur des pratiques socialement et environnementalement souvent contraires ou à la limite du droit, et vise à déculpabiliser le consommateur ; le vêtement doit être très peu cher, le coût de remplacement doit être minimal et changer de tenue le plus fréquemment possible devient “un droit” pour être toujours “à la mode”.
L’apparition de cette mode ultra-fast-fashion a entrainé un rejet rapide par les parlementaires français, et cette proposition de loi a donc pour objectif de freiner le développement de la cette ultra-fast-fashion. L’adoption par l’Assemblée nationale, prise le 14 mars 2024, qui doit encore être validée par le Sénat, sera mise en œuvre dès le 1er janvier 2025 conformément au décret d’application qui sera publié d’ici là. Cela marque une volonté politique forte de s’attaquer aux pratiques néfastes des dérives de cette industrie tout en stimulant des modes de consommation plus durables. Cette loi vise notamment à interdire la publicité pour les produits issus de ce modèle économique, obliger les marques à communiquer sur le réemploi et la réparation des produits et instaurer un système de malus environnemental pour dissuader les pratiques non vertueuses. Les entreprises les moins vertueuses seront ainsi amenées à reverser des pénalités aux plus vertueuses.
Cette proposition de loi s’ajoute à la loi Climat et résilience votée en Août 2021, qui imposera d’ici peu un affichage environnemental obligatoire pour le secteur textile, et sur laquelle elle s’appuie pour l’évaluation de l’impact environnemental des produits textiles.
Plusieurs amendements ont été déposés et discutés en amont de l’adoption de cette proposition de loi, portant notamment sur l’inclusion de critères sociaux dans la législation ou la définition précise des seuils de l’ultra-fast-fashion. Malgré ces débats, l’ensemble des groupes parlementaires a finalement soutenu le texte, marquant ainsi un consensus rare dans le paysage politique français.
En réponse aux critiques et aux demandes d’élargissement des objectifs de la loi, le gouvernement s’est engagé à lancer une mission visant à établir des critères sociaux et environnementaux tangibles dans les deux mois suivant l’adoption de la loi. Cette initiative vise à renforcer l’information des consommateurs et à garantir une application efficace des mesures adoptées. Notamment en lien avec la proposition d’affichage environnemental, permettant ainsi aux consommateurs de prendre des décisions plus éclairées en faveur de produits durables.
Quels sont les impacts de la proposition de loi sur les entreprises
La proposition de loi adoptée par l’Assemblée nationale aura inévitablement des répercussions significatives sur les entreprises de l’industrie textile, en particulier celles pratiquant l’ultra-fast-fashion. Les entreprises devront non seulement s’adapter, mais également repenser leurs modèles économiques pour répondre aux nouvelles exigences environnementales et sociales.
Dans ce contexte, les conseils d’experts en transformation durable sont précieux pour guider les entreprises vers une transition réussie. Voici quelques-uns des principaux impacts attendus :
- Interdiction de tout forme de publicité pour les marques d’ultra-fast-fashion : Cette mesure vise à freiner la promotion des produits d’ultra-fast-fashion, limitant ainsi l’influence des campagnes publicitaires qui incitent à une surconsommation de vêtements à bas prix. Les entreprises devront repenser leurs stratégies marketing pour se différencier sans recourir à la publicité traditionnelle, ce qui pourrait les pousser à explorer des alternatives telles que le marketing d’influence axé sur des valeurs durables ou le développement de communautés en ligne engagées.
- Obligation d’information des consommateurs : Les entreprises seront tenues d’informer les consommateurs sur les possibilités de réutilisation et de réparation des vêtements ainsi que sur l’impact environnemental de leurs produits (voir loi climat et résilience plus d’informations). Pour se conformer à cette exigence, les entreprises devront investir dans la transparence de leur chaîne d’approvisionnement, en collectant et en fournissant des données précises sur les matériaux utilisés, les conditions de fabrication et les impacts environnementaux.
- Bonus/malus environnemental : En instaurant un système de bonus/malus environnemental, la loi vise à rendre les produits d’ultra-fast-fashion moins attrayants pour les consommateurs en augmentant leur coût total (voir loi climat et résilience plus d’informations).
- Pénalités progressives dissuasives : La mise en place de pénalités progressives dissuasives pour les entreprises les moins vertueuses constitue un incitatif financier à adopter des pratiques plus durables. Cette mesure pourrait favoriser l’émergence de partenariats et de collaborations entre les entreprises pour partager les meilleures pratiques et réduire collectivement leur empreinte environnementale.
Plus généralement, les entreprises du secteur textile doivent continuer d’explorer leur chaine d’approvisionnement et d’améliorer la traçabilité des matières premières. En effet, cette loi devrait contribuer à renforcer la visibilité et le contrôle sur ces chaines d’approvisionnement afin de réduire les impacts sociaux et environnementaux et d’améliorer les conditions de travail (cadence, sécurité, santé), la rémunération des travailleurs et la gestion des pollutions.
Nos recommandations pour les entreprises
Face à ces défis, les entreprises du secteur textile doivent mettre en œuvre des stratégies de transformation durable pour s’adapter aux nouvelles exigences législatives et répondre aux attentes croissantes des consommateurs en matière de responsabilité sociale et environnementale. Voici quelques recommandations pour opérer cette transition avec succès :
- Révision des modèles économiques : Les entreprises doivent penser à revoir leurs modèles économiques pour intégrer les principes de durabilité à toutes les étapes de leur chaîne de valeur, de la conception à la distribution des produits. Cela pourrait impliquer une transition vers des modèles de production circulaire, où les déchets sont minimisés et les matériaux sont réutilisés et recyclés.
- Investissement dans l’innovation : Les entreprises doivent investir dans la recherche et le développement de technologies et de matériaux innovants qui permettent de réduire l’empreinte environnementale de leurs produits. Cela pourrait inclure la conception de produits permettant un désassemblage et recyclage facilités, l’utilisation de fibres recyclées et durables, par exemple utilisant de l’énergie décarbonée ou des procédés de teinture moins impactant.
- Transparence et traçabilité : Les entreprises doivent renforcer la transparence et la traçabilité de leur chaîne d’approvisionnement en fournissant des informations claires et précises sur l’origine et les conditions de production de leurs produits. Les partenariats avec des plateformes de traçabilité se développent fortement pour se préparer aux exigences de transparence notamment dans l’UE avec la législation contre la déforestation Cela permettra aux entreprises de mieux gérer les risques opérationnels, réputationnels et légaux liés à leur chaine de valeur, et aux consommateurs de prendre des décisions éclairées permettront de soutenir les entreprises engagées dans des pratiques durables.
- Engagement des parties prenantes : Les entreprises doivent s’engager avec l’ensemble de leurs parties prenantes pour identifier les domaines d’amélioration et mettre en œuvre des initiatives durables.
Après son adoption à l’Assemblée nationale, la proposition de loi devra maintenant être examinée par le Sénat. Elle devra également être complémentée par un décret d’application pour une mise en œuvre dès le 1er janvier 2025. Si elle est approuvée, elle constituera une avancée significative dans la lutte contre l’ultra-fast-fashion et marquera une étape importante vers des pratiques plus durables dans l’industrie textile française.
La transition vers une industrie textile plus durable représente un défi majeur pour les entreprises du secteur, mais aussi une opportunité de se différencier sur un marché de plus en plus axé sur la durabilité. En suivant les recommandations de nos experts, les entreprises peuvent transformer ces défis en opportunités et contribuer à la construction d’un avenir plus responsable et respectueux de l’environnement.
" La proposition de loi pour réduire l’impact environnemental de l’industrie textile marque un tournant dans notre engagement envers une industrie plus durable, où la responsabilité sociale et environnementale devient une priorité."
Antoine Bois
Fashion & Sporting Goods Lead chez Quantis, France
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