Mode : vers une pénurie de 133 millions de tonnes de matières premières durables d’ici 2030 ?

sustainable materials fashion

Un nouveau rapport de BCG, Textile Exchange et Quantis révèle que les marques de mode et de prêt-à-porter pourraient augmenter leur bénéfice net de 6 % en repensant leurs structures d’approvisionnement afin de combler la pénurie de matières premières durables.

LONDRES, le 26 octobre 2023 —Depuis plusieurs années, l’industrie de la mode et du prêt-à-porter opère un virage pour devenir plus durable et responsable. Parmi les sujets critiques, celui des matières premières (coton, laine, cuir animal, matières synthétiques…) dont l’impact atteint jusqu’à deux tiers de l’impact climatique d’une marque de mode et de prêt-à-porter. Dans ce cadre, le sujet de leur approvisionnement apparait central. Pourtant, la demande de matières premières à faible impact sur le climat (les « matières privilégiées ») telles que les matières recyclées, organiques ou issues de l’agriculture régénératrice et raisonnée, pourrait excéder l’offre de 133 millions de tonnes d’ici 2030. Alors que plus de 85 % des grandes marques (en termes de ventes) ont annoncé publiquement des objectifs de décarbonation pour leurs chaînes d’approvisionnement, le défi est de taille. C’est l’une des conclusions d’un nouveau rapport publié aujourd’hui par Boston Consulting Group (BCG), en collaboration avec Textile Exchange et Quantis, intitulé « Sustainable Raw Materials Will Drive Profitability for Fashion and Apparel Brands« .

La montée en puissance des réglementations liées à la durabilité

Les marques de mode et d’habillement sont confrontées à un double défi : elles doivent redoubler d’efforts pour réduire leurs émissions carbone tout en se préparant aux réglementations à venir. En effet, la transformation de l’industrie de la mode s’accélère avec la pression du législateur. D’ici cinq ans, le rapport répertorie l’application de plus de 35 nouvelles réglementations liées à la durabilité et à la traçabilité : restrictions à l’importation, directives autour de la conception des produits, exigences en matière d’étiquetage etc. Face à cette montée en puissance, de nombreuses marques pourraient avoir du mal à s’adapter. Sur la base de l’analyse de 76 marques de luxe au niveau mondial, le rapport estime ainsi que seules 15 % d’entre elles respectent actuellement la loi britannique de 2015 sur l’esclavage moderne qui comprend plusieurs mesures liées à la durabilité.

Le non-respect de ces réglementations constitue une véritable menace pour la rentabilité d’une marque. Les produits pourraient se voir refuser l’entrée sur les marchés tant qu’ils ne se conforment pas aux nouvelles exigences et lois sur l’étiquetage. A termes, cela pourrait également réduire leur bénéfice avant intérêts et impôts (EBIT) jusqu’à 8 %.

Un fossé qui se creuse entre l’offre et la demande des matières premières durables

Malgré le nombre croissant d’engagements et d’objectifs de décarbonation dans l’industrie de la mode et du prêt-à-porter, les fournisseurs de rang 4 n’ont pas encore reçu un signal suffisamment fort indiquant que les marques s’engageront et investiront dans les matières premières privilégiées. Par conséquent, les producteurs de matières premières et les agriculteurs ne sont pas incités à prendre les risques associés à l’augmentation de l’offre.

« L’industrie du luxe a un devoir d’exemplarité sur les enjeux liés à la transition écologique, en accompagnant l’ensemble de sa chaîne de valeur dans des pratiques toujours plus vertueuses » souligne Pierre-François Marteau, Partner au BCG. « L’investissement nécessaire à la transition vers des pratiques plus vertueuses d’un point de vue environnemental doit être partagé entre les marques et leurs fournisseurs ».

En l’absence d’économies d’échelle, le rapport estime que seuls 19 % des matériaux produits en 2030 seront des matières privilégiées. Sans un investissement approprié, l’écart entre l’offre et la demande de matières premières privilégiées augmentera pour atteindre jusqu’à 133 millions de tonnes d’ici la fin de la décennie, soit plus de six fois la production indienne de ces matériaux en 2021.

Le rapport souligne pourtant que les marques ont tout intérêt à augmenter dès maintenant et de manière significative la part de matières premières privilégiées dans leur portefeuille. Celles qui y parviendront pourraient réaliser en moyenne une augmentation de 6 % de leur bénéfice net sur une période de cinq ans. Concrètement, une marque de mode de taille moyenne, avec un chiffre d’affaires annuel d’environ 1 milliard de dollars, pourrait réaliser un bénéfice net d’environ 100 millions de dollars sur une période de cinq ans.

« Les marques de mode et de prêt-à-porter doivent prendre des mesures immédiates pour investir dans l’approvisionnement de matières premières privilégiées, garantissant ainsi des ressources et des modèles économiques plus durable », a déclaré Philipp Meister, responsable monde de l’industrie de la mode et des articles de sport chez Quantis et co-auteur du rapport. « Cela nécessitera de la part des marques de repenser leurs portefeuilles de produits, de renforcer leurs relations avec les fournisseurs et d’impulser une transformation profonde de l’entreprise.»

Quelle stratégie adopter pour les entreprises du secteur ?

Le rapport énonce six recommandations pour les marques souhaitant créer une stratégie robuste en termes de matières premières durables :

  1. Investir dans la traçabilité des matériaux sur l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement afin d’en mesurer pleinement l’impact.
  2. Utiliser une approche scientifique pour renforcer la prise de décision et satisfaire les parties prenantes.
  3. Diversifier le portefeuille de matériaux pour répartir les risques et assurer la pérennité des opérations.
  4. Élaborer un argumentaire économique qui aboutit à un triple gain pour les marques, les fournisseurs et la nature.
  5. Renforcer les relations au sein de la chaîne d’approvisionnement
  6. Veiller à ce que la connaissance, les outils et les incitations soient intégrés à l’ensemble de l’entreprise.

« Face à la crise climatique, au paysage réglementaire évolutif, à la vigilance accrue des investisseurs et des consommateurs, les marques de mode et de prêt-à-porter ne peuvent plus se permettre de sous-investir dans leurs stratégies de matières premières », souligne Beth Jensen, directrice de l’impact climatique chez Textile Exchange et co-auteure du rapport. « Les marques doivent agir audacieusement dès maintenant pour investir dans les relations de la chaîne d’approvisionnement qui permettront d’atteindre leurs objectifs climatiques d’ici 2030. »


Contact presse :
Anne-Florence Lécolier
Lecolier.anneflorence@quantis.com

À propos de Quantis

Quantis est un cabinet de conseil en stratégie environnementale qui collabore avec des organisations partout dans le monde dans le but de les accompagner dans leur transformation durable au sein des limites de la planète, grâce à des méthodes scientifiques innovantes et à la construction de stratégies ambitieuses. Quantis permet aux entreprises de mieux appréhender et réduire leur empreinte climatique, leur impact sur la biodiversité, l’eau, les sols ou encore leur pollution plastique.

Avec des bureaux aux États-Unis, en France, en Suisse, en Allemagne et en Italie, et des clients dans le monde entier, Quantis est un partenaire clé pour inspirer un changement durable à grande échelle.

Découvrez Quantis sur www.quantis.com.

À propos du Boston Consulting Group (BCG)

BCG accompagne les dirigeants du monde entier (entreprises, États, ONGs, etc.). Nous sommes à leurs côtés pour les aider à relever leurs plus grands défis. Créé en 1963, BCG a été le pionnier du conseil en stratégie. Aujourd’hui, nous aidons nos clients dans toutes leurs transformations afin d’accélérer leur croissance, renforcer leur avantage concurrentiel et générer un réel impact. La réussite des organisations passe aujourd’hui par leur capacité à associer les meilleures ressources humaines et digitales.

Nos équipes apportent une expertise industrielle et fonctionnelle approfondie à nos clients. BCG propose des solutions qui s’appuient sur du conseil de très haut niveau, du design, le déploiement de nouvelles technologies ou encore la création d’entreprises digitales – en respectant toujours la raison d’être des entreprises. Nous travaillons avec nos clients selon un modèle collaboratif unique, à tous les niveaux de l’organisation.

À propos de Textile Exchange

Textile Exchange est une organisation à but non lucratif mondiale qui favorise des impacts bénéfiques sur le climat et la nature dans l’industrie de la mode, du textile et de l’habillement. Elle guide une communauté croissante de marques, de fabricants et d’agriculteurs vers une production plus intentionnelle dès le début de la chaîne d’approvisionnement.

Son objectif est d’aider l’industrie à atteindre une réduction de 45 % des émissions provenant de la production de fibres et de matières premières d’ici 2030. Pour y parvenir, Textile Exchange maintient son approche holistique et interconnectée, accélérant l’adoption de pratiques qui améliorent l’état de notre eau, de la santé du sol et de la biodiversité.

Pour qu’un changement réel se produise, tout le monde a besoin d’un chemin clair vers un impact bénéfique. C’est pourquoi Textile Exchange estime que des instructions accessibles étape par étape associées à une action collective peuvent changer le système pour faire des matériaux et des fibres préférés une option accessible, mobilisant les leaders grâce à des stratégies réalisables, des solutions éprouvées et une communauté engagée.

Share this article

Dernières publications