Vous en avez entendu parler comme de la « crise biologique », de la « crise écologique », ou encore, de la « sixième extinction massive ». Quel que soit le nom qui lui est donné, il ne fait aucun doute que l’effondrement toujours plus rapide de la diversité biologique aura de dangereuses répercussions sur la résilience écologique, ainsi que sur la santé et la sécurité humaines.
La pandémie de COVID-19 a montré de manière alarmante le lien inextricable qu’il existe entre l’humanité et la nature et les conséquences dévastatrices et indélébiles que peut avoir la dégradation de l’environnement. D’après Inger Andersen, directrice exécutive du Programme des Nations Unies pour l’Environnement, la pandémie de COVID-19 constitue une mise en garde on ne peut plus claire. La question se pose désormais de savoir de quelle manière il convient d’y faire face, sachant qu’il n’existe que deux possibilités : rester dans la passivité ou passer à l’action. Nous pouvons continuer de traiter « nos affaires courantes » , comme si de rien n’était, tout en retenant notre souffle en vue des catastrophes massives qui se profilent à l’horizon, ou, au contraire, nous pouvons envisager la biodiversité comme l’une de nos plus grandes forces dans la lutte contre le changement climatique et la recherche d’un avenir prospère pour les personnes et la planète. Le choix semble évident, où se situe donc la difficulté ? Contrairement au concept de changement climatique, il est moins facile d’appréhender les notions de biodiversité et de services écosystémiques. Lorsqu’il s’agit de faire face à la perte de biodiversité, de nombreuses entreprises sont, sans mauvais jeu de mots, perdues.
Voici ce que vous devez savoir pour lutter de manière efficace contre la perte de biodiversité.
Comme l’indique une étude récente menée par Quantis parmi 29 des plus grandes entreprises, 86 % des sociétés interrogées répondent avoir ou envisager d’avoir une stratégie en matière de biodiversité pour les deux années à venir, mais seulement 4 % d’entre elles estiment être suffisamment informées sur les actions qu’il convient d’entreprendre. Si vous vous reconnaissez parmi les 96 % restants, sachez que vous n’êtes pas seuls ! En effet, parmi ces professionnels en développement durable, nombreux sont ceux qui se sentent perplexes pour répondre à cette problématique. Voici donc quelques renseignements utiles pour ce faire.
La biodiversité a-t-elle une quelconque valeur pour une entreprise ? Oui, et il s’avère qu’elle est considérable.
La biodiversité et la réussite d’une entreprise peuvent aller de pair. Une étude récente de Swiss Re Institute estime que plus de la moitié du PIB mondial dépend de la bonne santé de la biodiversité et de la performance des services écosystémiques. À titre d’exemple, les pollinisateurs rendent la production agricole possible, tandis que les microorganismes des sols sont indispensables à la fertilité de ces mêmes sols ; ce qui représente une somme non négligeable de 41,7 billions de dollars. Ce n’est pourtant que récemment, alors que la diversité biologique est en chute libre, que sa préservation commence à être prise en considération : non seulement en raison de la disparition de nombreuses espèces, mais aussi à cause de la perte de biomasse.
L’origine de ce phénomène réside principalement dans le changement d’affectation des terres, mais l’exploitation des ressources, le changement climatique et la pollution ne sont pas étrangers au problème. C’est une mauvaise nouvelle pour la planète et pour la résilience des entreprises. Un scénario selon lequel les industries exploitant les terres continueraient de traiter leurs affaires courantes comme si de rien n’était aurait un effet boule de neige sur la chute des rendements, l’amoindrissement de la qualité des cultures et de la valeur nutritionnelle des denrées alimentaires.
Cependant, malgré un bilan actuel qui semble désastreux, tout n’est pas perdu. La bonne nouvelle est que la nature s’en sort toujours, si on lui laisse le temps de le faire. Nous avons pu le constater plus tôt cette année, alors que la pandémie avait réduit l’activité humaine. En Camargue (France), les populations de flamants roses si connues ont été multipliées par dix !
Les entreprises qui travaillent à la protection de la biodiversité ont saisi l’occasion qui leur était donnée de faire face aux risques liés aux chaînes d’approvisionnement, tout en suscitant la confiance des consommateurs et des investisseurs — qui surveillent de près ceux qui retardent le passage à l’action en faveur de la nature. Il importe donc de retenir qu’en tenant compte de l’affectation des terres et des changements dans ce domaine, les entreprises peuvent faire face au premier facteur de la perte de biodiversité et à ses répercussions sur le climat, protégeant ainsi les puits de carbone qui s’avèrent des solutions naturelles essentielles pour lutter contre le changement climatique. Dans cette situation tout le monde serait gagnant.
Grâce à une étude de cas approfondie, de nouvelles initiatives de collaboration mettent la biodiversité à l’ordre du jour, à l’instar de la Commission européenne dans le cadre de la campagne Business et Biodiversité ou le Club B4B+ (Business for Positive Biodiversity). En septembre, un nombre record d’entreprises (dont Quantis), cumulant un chiffre d’affaires de 4 billions de dollars, a répondu à l’appel à l’action de la coalition internationale Business for Nature, qui a pour but d’enjoindre aux gouvernements d’adopter des politiques visant à inverser la destruction de la nature d’ici la fin de cette décennie.
L’engagement est là. Il est maintenant temps de passer à l’action. C’est de cette manière que les entreprises peuvent choisir d’agir pour le mieux.
Sauter le pas, en passant de la gestion de la réputation au changement systémique
Actuellement, l’action des entreprises en faveur de la biodiversité en est là où la stratégie climatique en était des années auparavant : elle vise toujours davantage de réductions et de petites victoires qui seront, ou non, pertinentes vis-à-vis des impacts réels des entreprises.
Bon nombre de sociétés se concentrent sur des matières premières ou des espèces emblématiques qui présentent des risques pour la réputation d’une marque. Cette approche à court terme et désuète est souvent réactionnelle et déconnectée de toute autre initiative durable. En l’absence d’une stratégie quantitative et fondée sur des données scientifiques, les entreprises peuvent passer à côté de points chauds cruciaux dans leur chaîne de valeur et manquer les facteurs sous-jacents qui mettent leurs activités en péril.
Comme pour la stratégie climatique, il est temps d’envisager une approche systémique alignée sur la science et ancrée dans une stratégie d’entreprise.
Adopter la bonne stratégie : une action climatique globale, pertinente et alignée sur les objectifs climatiques
À quoi ressemblent les meilleures stratégies en matière de biodiversité ? Elles sont globales, pertinentes et alignées sur les objectifs climatiques. Globales parce qu’elles supposent une évaluation des conséquences de la biodiversité sur l’ensemble de la chaîne de valeur et une action en la matière. Une analyse approfondie quantitative de la chaîne de valeur permet aux entreprises de déceler les points chauds en matière de biodiversité, autrement dit, les domaines dans lesquels la perte de biodiversité est la plus importante, et de concentrer leurs efforts sur ces points.
Il s’agit de cibler les interventions là où elles sont les plus essentielles, d’où la notion de pertinence. Les initiatives de fortune qui ne se soucient que d’une espèce ou d’un domaine de la chaîne de valeur passent complètement à côté de l’objectif.
Ainsi : une société alimentaire dont les produits phares seraient le café et le cacao ne peut pas décemment penser être crédible si elle concentre sa stratégie en matière de biodiversité sur les ruches qu’elle arbore sur les toits de ses bureaux en Europe. De la même manière, une entreprise de prêt-à-porter dont 95 % des revenus seraient tirés de produits en cachemire ne pourra pas prétendre faire des progrès de taille en concentrant sa stratégie sur un projet d’agriculture régénératrice du coton. Au contraire, les entreprises seront sur la bonne trajectoire vers une réussite durable lorsqu’elles définiront leur niveau d’ambition et orienteront leurs décisions en matière de biodiversité en les fondant sur des données scientifiques.
Enfin, les stratégies les plus efficaces en matière de biodiversité s’inscrivent dans le droit fil des objectifs climatiques et sont intégrées dans les efforts mobilisés pour y parvenir, de sorte que des progrès dans un domaine permettent des progrès dans un autre et que tout transfert d’impact soit évité. En juin 2021, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) et la plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) a publié un rapport dans lequel l’interdépendance entre le climat et la biodiversité est examinée. Ce rapport indique de quelle manière les actions visant à limiter le changement climatique influencent la nature : la plupart apportent des bénéfices accessoires (tels que la protection et la restauration des écosystèmes) à quelques exceptions près (par exemple la demande pressante de terres, due à la production accrue de biocarburant). Ce sont autant de preuves de la nécessité d’intégrer la biodiversité dans une stratégie globale à une fin de durabilité.
Une approche intégrée peut également aider les entreprises à gérer les réductions d’émissions et les absorptions pour parvenir à la neutralité en carbone.
Commencez par évaluer votre empreinte écologique
Comment vous assurer que votre stratégie répond à tous les critères (autrement dit qu’elle est globale, pertinente et alignée sur les objectifs climatiques) ? En dressant le bilan des impacts de votre entreprise et en les comprenant.
Diverses méthodes et techniques d’évaluation ont vu le jour en matière de mesure d’impacts sur la biodiversité et, à ce stade, une approche normalisée n’a pas encore été définie. Les choses sont particulièrement compliquées pour ce qui est de la problématique de la biodiversité, car les mesures d’évaluation sont plus variées que pour d’autres problématiques durables.
Si les incidences sur le changement climatique peuvent être mesurées à l’échelle mondiale grâce à l’indicateur des émissions de gaz à effet de serre, les incidences sur la biodiversité sont extrêmement localisées et multidimensionnelles. Pas moins de 10 à 15 indicateurs ont été proposés par l’IPBES pour mesurer les principaux facteurs de perte de biodiversité.
Chez Quantis, nous avons élaboré une analyse d’impact sur la biodiversité (biodiversity impact assessment) qui offre une vue d’ensemble des impacts de l’entreprise —qui pourrait correspondre à l’empreinte écologique de l’entreprise.
L’outil exploite les connaissances les plus pointues en matière d’évaluation scientifique d’empreinte écologique (l’analyse du cycle de vie, ou ACV) et il intègre les données locales en matière de lutte contre le changement climatique, l’épuisement des ressources en eau, les émissions polluantes et l’utilisation des terres. Cette approche permet aux entreprises d’analyser leur impact sur l’ensemble de la chaîne de valeur et de recenser les matières premières et les activités qui ont la plus grande incidence sur la nature, ainsi que de définir leur incidence géographique.
Avec cette ligne de départ, il est possible de mettre au point l’approche idéale et les méthodes à utiliser, par exemple des initiatives spécifiques au terrain, une stratégie d’engagement de la part des fournisseurs, ou le grand plongeon dans une problématique spécifique, telle que la santé des sols. Une analyse peut également s’avérer cruciale pour motiver les parties prenantes internes à prendre part à l’initiative, car elles joueront un rôle moteur essentiel à la transformation, y compris les équipes de développement produit, d’approvisionnement et les fournisseurs.
Des ateliers et des espaces d’apprentissage ludique sont autant de moyens efficaces pour tenir les équipes internes informées sur les tendances en matière de biodiversité et obtenir leur adhésion aux notions clés en les aidant à percevoir la manière dont la biodiversité pourrait revêtir une importance dans certaines de leurs activités particulières, ainsi que la mesure dans laquelle une transformation est nécessaire.
Les objectifs de votre entreprise sont-ils clairement définis ?
Lorsque l’initiative Science Based Targets [Objectifs fondés sur des données scientifiques] a été lancée, elle a servi de catalyseur pour une nouvelle référence en matière de stratégie climatique. Plus de 1 000 entreprises se sont déjà engagées à utiliser des données pour orienter leur transformation d’entreprise, dans le droit fil de l’objectif visant à contenir le réchauffement climatique sous le seuil de 1,5 °C.
L’initiative Science Based Targets for Nature devrait bientôt avoir le même effet dans le cadre de la préservation de la diversité biologique. Nous avons une chance inouïe de pouvoir contribuer à inverser la destruction de la nature et à régénérer la biodiversité. Quantis a formulé des recommandations sur l’orientation initiale destinée aux entreprises portant sur les mesures liées à l’environnement, développées par notre partenaire, le réseau Science Based Targets, et des méthodes devraient être publiées en 2022.
Grâce à une analyse d’impact sur la biodiversité, les entreprises seront armées pour fixer leurs objectifs et avancer dans l’élaboration d’une stratégie fondée sur des données scientifiques en matière de biodiversité. Si vous êtes prêts pour la suite, parlons-en !